La conversation spirituelle

Le temps du confinement a amputé une grande partie de notre vie sociale. Mais grâce au téléphone, nous avons pu rester un tant soit peu en relation avec nos parents âgés ou des personnes isolées. Le téléphone présente l’avantage de favoriser la pratique de la conversation spirituelle, ce moyen choisi par saint Ignace tout au long de sa vie pour « aider les âmes ».

De quoi s’agit-il ? C’est une manière d’être en relation les uns avec les autres. Il s’agit d’abord de parler en « je » autrement dit à la 1ère personne, de ce qui m’a touché, émerveillé ou de ce qui me fait vivre. Parler en « je » pour confier une expérience, une réflexion personnelle, une activité à laquelle j’ai participé. Parler en « je » pour dire ce qui m’a touché, comment je l’ai été et ce que cela me donne à penser.

Il suffit de deux interlocuteurs pour rendre possible cette prise de parole, mais elle peut aussi se pratiquer au sein d’un petit groupe de quelques personnes. Dans tous les cas cela demande de savoir écouter l’autre. Le propos ne porte pas forcément sur des sujets de piété ou de dévotion. Le foot, les voitures, une collection de timbres, les remèdes de grand-mère, l’achat d’une paire de chaussures sont autant de sujets qui peuvent relever de la conversation spirituelle. Tout dépend des réflexions éclairées par la Parole de Dieu ou la tradition spirituelle que je saurai en tirer.

La conversation spirituelle consiste à parler à quelqu’un et non de quelqu’un à quelqu’un d’autre. Dans ces conditions les jugements qui portent sur des personnes sont à bannir. Cela suppose d’accepter les différences et de développer une écoute bienveillante qui consiste à considérer que quelqu’un qui est d’un avis opposé au mien peut avoir quelque chose à me dire qui peut être bon pour moi d’entendre. Parler à quelqu’un, ne veut pas dire non plus parler tout le temps. Il y a un temps pour parler et un temps pour écouter les autres.

Quand saint Ignace rencontrait des gens, il partait toujours du point où ils en étaient, même si le point de départ était très éloigné de la foi ou de l’évangile. Quand il prenait la parole c’était pour passer un niveau spirituel, pour permettre à ses interlocuteurs de cueillir les fruits de l’Esprit à l’œuvre dans ces propos, à savoir : la paix, la joie, la bienveillance, la réconciliation, la bonté, l’amour du prochain…

Parler au cœur, tel est le fondement de la conversation spirituelle. Le but est de dire quelque chose de moi pour que l’autre puisse s’en nourrir. Ce n’est possible que dans un climat de confiance et de discrétion qui garantit que la parole partagée ne sera pas transformée en ragots déversés sur la place publique.

En fait il s’agit de parler vrai en laissant sortir de ma bouche la parole inspirée par l’Esprit Saint. A ce moment-là, je ne suis ni dans des considérations générales et impersonnelles, ni dans le jugement, mais je suis bel et bien établi dans une parole unique qui est la mienne et qui sonne juste. Cela suppose que je sois moi-même un tant soit peu enraciné en Celui qui est la vérité : le Christ.

P. Guy DELAGE s.j

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