« Ma liberté longtemps je t’ai gardée » chantait Georges Moustaki. Il en est de même pour vous comme pour moi. Moi aussi, quand enfin je l’ai trouvée, ma liberté, j’ai tout fait pour la garder, alors même qu’elle risquait de m’échapper à tout moment, puisqu’il parait qu’elle s’arrête là où commence celle des autres.
Les frontières sont bien floues me direz-vous. Pour illustrer notre propos et ne prendre que la liberté d’expression, posons-nous la question si nous avons le droit de rire de tout.
Quand il s’agit de rire en jouant avec les mots, avec l’autodérision ou en dénonçant des situations absurdes, il n’y a pas de problème. Mais quand le rire devient moqueur, sarcastique, provocateur et qu’il porte atteinte à la dignité humaine, il y a urgence de respecter certaines limites. Et cela vaut aussi pour la liberté d’expression ; pour la simple raison que la grandeur de l’homme est supérieure à toute forme d’expression, mais aussi parce que liberté d’expression n’exclut pas la liberté de réflexion.
En 1883 dans sa lettre aux instituteurs Jules Ferry disait : « Demandez-vous si un père de famille, je dis un seul, présent à votre classe et vous écoutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment à ce qu’il vous entendrait dire. Si oui, abstenez-vous de le dire ; sinon, parlez hardiment ». Voilà un principe de bon sens qui mériterait d’être pris en compte par les internautes toujours prêts à poster n’importe quoi sur internet au nom de la liberté d’expression.
Mais la liberté où aller la chercher dans un monde capable du meilleur comme du pire ? Le concile Vatican II nous offre une piste intéressante. Il nous dit que le chemin qui s’ouvre devant nous est celui de la liberté ou de la servitude, du progrès ou de la régression, de la fraternité ou de la haine. Nous savons très bien que nous pouvons user des moyens qui sont à notre disposition pour écraser ou pour servir. C’est donc bien en nous et nulle part ailleurs que nous trouverons le chemin de la liberté, d’une liberté toujours plus grande qui nous conduira vers la vie éternelle. Et ce chemin, le Christ Jésus l’a ouvert pour nous. Alors qu’attendons-nous pour nous y engager ?
Guy Delage sj