Ce deuxième confinement de l’année 2020 nous amène à nous poser une question essentielle : qu’est-ce qui est essentiel ? La réponse nous est donnée par le commerce. Les commerces non essentiels sont fermés. Les autres peuvent rester ouverts. La droguerie de quartier, elle, n’est pas essentielle. Parce que chez Brico on trouve tout ce qu’il faut et parce que le bricolage c’est l’apanage des confinés.
Les boutiques de vêtements ne sont pas essentielles. Des fringues vous en trouverez à foison chez Amazon expert en évaporation fiscale et réputé pour prendre ses employés pour des robots.
A l’approche de Noël, les magasins de jouets ne sont pas essentiels non plus. Là encore internet vous permettra de commander de la contrefaçon fabriquée en Chine. En revanche le marchand de glace, le chocolatier, eux, sont essentiels parce qu’ils appartiennent au commerce de bouche et que se nourrir c’est vital. Les libraires eux aussi sont essentiels parce qu’ils vendent des livres qui nourrissent l’esprit. Les fleuristes sont tout aussi essentiels parce que les fleurs mettent de la gaieté là où règne la morosité et qu’un beau bouquet c’est vital pour le moral. Les merceries et blanchisseries font également partie des essentiels, mais ne me demandez pas pourquoi.
Finalement qu’est-ce qui est essentiel ? Le gros, le grand, le futile, le virtuel, les victuailles et un peu de culturel. Et le cultuel dans tout ça est-il ou n’est-il pas essentiel ? C’est bien toute la question. Il y a parmi le petit peuple catho des âmes chagrines qui s’élèvent contre l’interdiction de célébrer l’eucharistie. Mgr Grech, chargé par le pape François de la préparation du synode sur la synodalité, dans une interview pour la Civiltà Cattolica, admet volontiers que la pandémie a renforcé le cléricalisme notamment sur les réseaux sociaux. Il avoue que « nous avons assisté à un certain degré d’exhibitionnisme et de piétisme qui relève davantage de la magie que de l’expression d’une foi mature ». Pour l’évêque maltais l’Eglise n’a pas toujours été à la hauteur. Que beaucoup soient entrés en crise parce que nous ne pouvons plus célébrer l’eucharistie est tout simplement incroyable. L’eucharistie est bien source et somment de la vie chrétienne, mais elle n’est pas le seul moyen de rencontrer Jésus-Christ. Paul VI reconnaissait déjà de son temps que dans l’eucharistie la présence du Christ est réelle, mais elle n’exclut pas les autres formes de présence qui, elles aussi, n’en sont pas moins réelles. Finalement ce qui est essentiel ce n’est pas le culte. En son temps Jérémie disait déjà à son peuple : « Cessez d’invoquer le Temple ». En somme, ce qui est essentiel c’est la Parole de Dieu qui est, ne l’oublions pas, table de vie et à ce titre essentielle à la vie spirituelle surtout en période de disette eucharistique. Ne perdons pas de vue qu’il suffit que deux ou trois soient réunis en son nom pour que le Christ leur ouvre les Ecritures comme il l’a fait sur le chemin d’Emmaüs.
Guy Delage sj