Les végans, voilà une nouvelle espèce qui, au nom de l’absolue nécessité de sauver la planète voudraient imposer au reste du monde leur idéologie écologiste. Idéologie qui consiste à considérer que s’habituer à maltraiter les animaux c’est manquer de respect envers les êtres vivants dont l’espèce humaine fait partie. Il est donc urgent de ne plus manger de viande ni aucun produit qui vient de l’animal. Dans ce cas faut-il stériliser les vaches pour qu’elles s’éteignent en douceur sans même se soucier de la biodiversité ? Je n’ai pas consulté la doctrine végan sur ce point.
Comme nous y invite saint Ignace de Loyola essayons de sauver la proposition du prochain. Et reconnaissons que les végans ont raison sur un point : la maltraitance animal occasionnée par des procédés de production industrielle est inacceptable.
Elle ne trouve sa raison d’être que parce que nous nous croyons obligés de manger de la viande tous les jours. Certes depuis que l’homme existe il a toujours mangé de la viande. Et il lui est indispensable pour son équilibre biologique d’avoir une alimentation diversifiée qui comprend aussi de la viande. Mais il s’agit avant tout d’en manger avec modération et non pas comme un carnivore qui n’a rien d’autre à se mettre sous la dent.
A l’inverse, faire de cette ligne de conduite prônée par les végans un absolu, risque de faire tomber ses adeptes dans l’idolâtrie et le sectarisme. L’idolâtrie pointe le bout de son nez quand toute notre vie tourne et s’organise autour d’une seule idée, d’un seul dieu : le bien-être animal en l’occurrence. Puis peu à peu, à force d’être sûr d’avoir raison contre tous, la vie sociale finit par être amputée. Dès lors qu’il est hors de question de manger comme tout le monde, toute invitation à manger en dehors d’un resto vegan devient vite un motif de refus. Le cercle des amis s’en trouve inévitablement restreint ou du moins limité aux autres végans et l’effet sectaire renforcé.
La certitude d’avoir raison contre tout le monde peut même justifier le recours à des actions violentes comme le caillassage de vitrines de boucheries. Il ne faudrait pas oublier trop vite que la fin ne justifie pas le recours à des moyens violents, ni perdre de vue que le respect de l’être humain passe avant l’animal. N’inversons pas les rôles, mais n’en profitons pas non plus pour justifier l’abattage industriel et passer sous silence ses conséquences en matière de maltraitance animal.
Comme nous y invite notre pape dans Laudato si’, il est urgent de mettre tout en œuvre pour préserver notre maison commune d’un désastre annoncé. Mais en toute chose faisons preuve de discernement et ne confondons pas la fin et les moyens. Mangeons de la viande raisonnablement et traitons correctement les animaux. Dieu a mis sa création à notre disposition non pas pour que nous la transformions en jeu de massacre. Il nous donne la vie en abondance pour que nous la fassions fructifier et non pas pour que nous en profitions égoïstement.
Guy Delage sj