LA DERNIERE VISITEUSE

d’après un conte de Jérôme et Jean THARAUD.

            C’était à Bethléem à la pointe du jour. Le dernier des visiteurs avait quitté la crèche. L’enfant était sur le point de s’endormir. Mais dort-on la nuit de Noël ? Soudain la porte s’ouvre, poussée comme par un souffle plus que par une main humaine. Sur le seuil de la porte se tient une femme vêtue de haillons. Son visage couleur de terre est couvert de rides. La voici qui avance à présent et qui se dirige vers l’enfant.

            Au même moment la peur traverse Marie. Qui peut bien être cette femme ? Serait-ce une de ces mauvaises fées qui en veulent à l’enfant ? L’âne et le bœuf broutent la paille sans s’étonner de la visite de cette femme qui n’a pas l’air d’être une inconnue pour eux. L’enfant, quant à lui dort déjà. Mais dort-on la nuit de Noël ?

            L’étrange visiteuse met un temps infini pour aller de la porte à la mangeoire. La voici tout près de l’enfant maintenant. Elle fouille un long moment dans les poches de ses vielles guenilles pour finalement en sortir un objet que, de leur place, ni Marie, ni Joseph ne parviennent à identifier. L’âne et le bœuf continuent à brouter tranquillement comme si de rien était. A l’instant précis où la vieille le présente à l’enfant le voici qu’il ouvre les yeux. Et ses yeux et les yeux de la visiteuse se mettent à briller d’une même espérance.

            Maintenant que l’enfant tient l’objet entre ses mains on peut l’identifier. Il s’agit d’une pomme. La pomme de la discorde, la pomme du premier péché et de tant d’autres qui ont suivi. Quand Eve, c’était son nom, se retourne son visage n’a plus la moindre ride. Elle regagne alors la sortie et disparaît dans la lueur du jour naissant. Et l’enfant tient toujours entre ses mains la pomme devenue le globe d’une humanité nouvelle enfin délivrée du fardeau de son péché.

            Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu,

               et le Verbe était auprès de Dieu,

               et le Verbe était Dieu.

            Il était au commencement auprès de Dieu.

            Par lui, tout s’est fait,

               et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.

            En lui était la vie,

               et la vie était la lumière des hommes;

            la lumière brille dans les ténèbres,

               et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.

(Prologue de l’évangile de St Jean)

            Les ténèbres et la pomme ont en commun d’avoir plongé l’humanité dans le gouffre de la mort. Mais la vie vient de Dieu. Elle est la lumière des hommes. Et la lumière perce les ténèbres. Et la nuit de la mort ne peut arrêter la vie. Voilà le message qui nous est adressé à Noël et que ni la haine, ni la violence, ni aucune pandémie n’ont pu arrêter.

P. Guy DELAGE

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