Du brol

Un presse papier, un téléphone analogique, une imprimante, une friteuse, une machine à café, un coquetier, un mazagran, un pèse-personne, un abat-jour, un escabeau, un tapis, un miroir, un album photos, un panier en osier… Non ce n’est pas un inventaire à la Prévert, mais du brol, que du brol accumulé dans nos greniers ou dans nos caves et vidés sur un trottoir un jour de brocante.

Certains de ces objets sont obsolètes, d’autres sont à peine usés, d’autres encore n’ont jamais servi.

Tous ont en commun d’avoir été achetés un jour dans une boutique, au marché, sur internet, dans un magasin sortie d’usine, chez un artisan… Leur heure de gloire, ils l’ont eu juste après avoir été achetés en donnant à l’acheteur une impression d’avoir fait une affaire, impression aussi éphémère que l’art du même nom.

Ah qu’ils en occupent de la place tous ces objets venus s’échouer dans nos armoires, nos placards et dans tous les espaces disponibles de la maison ! Dans le grenier s’entassent ceux qui peuvent toujours servir, mais qui ne serviront jamais plus. La plupart finissent dans nos poubelles dont la taille a plus que doubler au cours des 40 dernières années. Ils sont tous témoins de l’hyperconsommation du monde d’aujourd’hui.

L’homo-économicus, espèce très répandue par les temps qui courent, n’a de cesse depuis que la production de masse se conçoit à l’échelle de la planète, de consommer toujours plus. Il alimente la demande que vient combler l’offre de biens mise sur le marché. La rencontre de l’offre et de la demande sur le marché, accroit la richesse et fait la joie des financiers. Ainsi va la vie, toujours plus de biens offerts permet de répondre à la demande et de relancer l’économie en produisant toujours plus d’objets qui remplissent nos greniers. L’homo-économicus, ne vit que pour consommer, consommer, tout comme les Shadoks, en leur temps, pompaient, pompaient. Jamais il ne se pose la question du sens in fine. Sa vie est comparable à une grande chasse au trésor organisée par les médias, soutenue par les politiques et encouragée par les économistes. Jusqu’au bout tu consommeras et même après. Oui, c’est possible ! Désormais les Pompes Funèbres vous proposent d’entretenir votre tombe.

Les trésors accumulés par l’homo-économicus tout au long de la vie ne sont qu’un mirage, une coquille creuse, un écran de fumée. Ils font illusion sur le moment, mais ne durent pas et tôt ou tard ils seront rongés par la rouilles ou dévorés par les mites et il n’en restera rien. « Faites-vous des trésors dans le ciel, nous dit Jésus, là où les mites et la rouille ne dévorent pas ». Les trésors qui subsistent à jamais sont dans le cœur de l’homme et non pas sur les étals des commerçants. Seul le pauvre de cœur peut vider son grenier intérieur, se désencombrer de tous ces objets inutiles et se tourner vers les autres. Alors et alors seulement la vie prendra un goût d’éternité.

Guy Delage sj

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